mercredi 11 juillet 2018

Lettre de prison de l’anarchiste Lukas Borl de République Tchèque

Voici une lettre du compagnon anarchiste Lukáš Borl, inculpé pendant l’opération Fenix, qui a frappé des anarchistes de République Tchèque. Depuis, il est sorti de prison. Pour un aperçu global de ce qu’a été l’opération Fenix, lire le texte en dessous de la lettre du camarade.
 
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Dimanche septembre 4 septembre 2016, j’ai été arrêté par la police dans la ville de Most et incarcéré en préventive dans la prison de Litomerice.
Malheureusement, est arrivé ce que je ne voulais pas qui arrive ; cependant, je savais depuis longtemps que cela pouvait se produire à tout moment. Heureusement, je me suis préparé mentalement à une telle éventualité, ce qui me permet de gérer avec calme ce type de réalité désagréable, à laquelle je suis exposé en ce moment, tout comme le sont mes proches.
J’ai été capturé par ceux qui défendent la domination du Capital sur nos vies. Toutefois, cela ne change rien à ma volonté de continuer le long du chemin que j’ai choisi. Je continuerai à détruire et à créer. A lutter et à aimer. Je reste anarchiste, avec tout ce que cela signifie. J’ai décidé pour l’instant d’écrire quelques lignes à propos de ma détention. Dans peu de temps, je m’exprimerai certainement sur d’autres sujets que je considère importants.



Avant l’arrestation
Ce n’est un secret pour personne qu’à partir d’un certain moment j’ai choisi de « disparaître », car je craignais que la police prévoie de m’arrêter. J’ai exprimé mes raisons dans le texte « Disparition de la surveillance du pouvoir d’État » [à lire en anglais ici : https://lukasborl.noblogs.org/disappearing-the-state-control/ ], qui a été publié sur différents sites du mouvement anarchiste. Le choix que j’ai fait m’a permis de vivre caché et assez heureux pendant quelques mois. Je me suis déplacé librement et j’ai mangé de la bonne nourriture. Le monde entier est devenu ma maison et j’ai pu y trouver des havres d’existence sociale et culturelle.
Grâce au soutien émotif et matériel reçu, j’ai eu assez d’énergie pour continuer à me battre pour l’émancipation. J’avais connaissance des risques qui étaient associés à un tel choix, mais je n’ai jamais pensé arrêter et je ne le pense pas maintenant non plus. Se libérer de l’autorité de l’État et du capitalisme est un but tellement attrayant que ça m’est impossible d’en distraire mon attention. Même le fait que le pouvoir me menace de ses mains, ses bâtons ou ses prisons… Être anarchiste signifie pour moi voir chaque menace comme une conséquence inévitable de mon désir manifeste de liberté. Cela est lié à la vie quotidienne des rebelles. Un fait que je ne peux pas éviter, mais que je peux défier. Chose que je fais et que je continuerai à faire.
Les circonstances de mon arrestation
La police m’a arrêté à Most, la petite ville où je suis né et où j’ai longtemps vécu. J’ai une partie de ma famille et beaucoup d’ami-es. A Most, au côté d’autres personnes, on avait fait vivre le centre « Ateneo » et on avait organisé une longue série d’événements liés au mouvement anarchiste. Bref, dans cette ville, je suis assez connu, et par les gens et par la police et les bureaucrates.
Certains jugeront « stupide » ma décision de venir dans cette ville pendant que j’étais sous le coup d’un mandat d’arrêt européen. Même si les personnes qui me sont les plus proches le pensaient, je ne les blâmerais pas. Parce qu’elles observent cela à partir d’une position différente de la mienne. Du coup, je conçois que certaines personnes ne comprennent pas les pensées et les actes de quelqu’un qui est en clandestinité depuis longtemps. La vie d’une personne en cavale est marquée par la séparation avec les personnes qu’elle aime et avec lesquelles, auparavant, elle était en contact strict et fréquent. C’est une des choses les plus dures à affronter pour une personne qui se trouve dans une telle situation. Trouver de l’argent, de la nourriture, un abri ou la sécurité sont, par rapport à cela, des tâches relativement faciles. Il y a deux façons d’affronter une telle séparation. Soit l’accepter passivement, ce qui signifie aussi s’exposer à la douleur et à une frustration infinie. Ou bien essayer de surmonter la séparation par des contacts occasionnels, ce qui, bien entendu, augmente de beaucoup le risque d’être capturé par la police. J’ai « instinctivement » choisi la deuxième option. Je savais ce que j’étais en train de risquer et ce que je pouvais perdre. Mais je savais aussi que dans l’isolement je pouvais perdre quelque chose de très important pour moi – les contacts avec les personnes auxquelles je tiens et qui tiennent à moi. C’est pourquoi j’ai décidé de venir à Most, en ayant conscience des risques.
Tout aurait pu bien se passer et j’aurais pu très prochainement me déplacer en lieu plus sûr ; cela n’était pas difficile et j’avais tout préparé avec soin. Mais, comme tout le monde le sait, dans la vie arrivent parfois des événements inattendus, qui ne peuvent pas être prévus ni évités. Dans de tels cas, la préparation, la volonté ou l’habilité n’aident pas. On est entraîné par les événements, sans être capable de les prévoir ou de les changer. C’est exactement ce qui m’est arrivé. Du coup, non seulement je n’ai pas pu voir mes proches, mais j’ai également été arrêté. Je n’expliquerai pas maintenant pourquoi et comment cela est arrivé. Je le ferai peut-être à l’avenir.
Déclarations de la police
Peu après mon arrestation, on m’a présenté un document qui officialisait ma mise en cause dans une affaire criminelle. J’ai décidé d’exercer mon droit au silence pendant toute cette procédure L’enquête est menée par la section de police pour la lutte contre le crime organisé (ÚOOZ). Ils m’accusent d’avoir fondé, supporté et promu un mouvement visant à la suppression des droits humains et des libertés. Selon l’ ÚOOZ, j’ai fondé le Réseau des cellules révolutionnaires (SRB), participé à certaines des actions du SRB et j’aurais écrit certains de ses communiqués, ainsi que publié ces derniers sur le site web « Asociace Alerta ». De plus, ils déclarent que j’ai perpétré une violation de la propriété et la dégradation de la propriété d’autrui, cela à quatre reprises. Deux fois lors d’incendies de voitures de police. Une fois lors de l’incendie de la porte d’un magasin. Et une par un tag sur la prison Ruzyne de Prague. Enfin, l’ÚOOZ m’accuse aussi de la campagne de boycott du propriétaire du restaurant de steaks « Rizkarna ».
J’ai étudié attentivement toutes ces accusations, pour trouver sur quelles bases l’ÚOOZ croit que j’ai mené ces actions. Honnêtement, cela m’a tranquillisé, parce que ces « preuves » sont un mélange de spéculations et d’évaluations de « pistes » qui, en réalité, ne prouvent pas ma participation à ces actions.
Défense
Cela est bien connu, je n’ai pas de sympathie pour le système judiciaire. Je le considère comme une partie des instruments répressifs du capitalisme, dont je suis un ennemi. J’ai néanmoins décidé d’essayer de me défendre au tribunal, au vu de la faiblesse des « preuves » que le ÚOOZ présente contre moi. Je me rends compte que ce choix signifie se battre sur le terrain de l’ennemi avec des armes limitées. Cela est la raison pour laquelle je n’ai pas des attentes exagérés ou des illusions sur le fait que le tribunal soit une institution indépendante qui puisse servir aux luttes d’émancipation.
Je me défendrai au tribunal, mais je reste toujours sur l’idée que la lutte anarchiste doit se baser en premier lieu sur la logique subversive de l’action directe plutôt que faire confiance à des instruments institutionnels de l’État et à des formes d’action indirectes (avec des représentant-es médiateurs-trices). Au vu de ce que j’ai dit et fait depuis des années, le type de lutte que je préfère est clair. Je continuerai à agir en accord avec cela et je veux que ce soit la même de la part des personnes qui se solidarisent avec moi.
Encore armé et dangereux
Pendant ma période de cavale, la police et les médias me définissaient comme « dangereux et armé ». J’ai confirmé cela dans un texte (Lukas Borl in viewfinder of the police). Au moment de mon interpellation, la police m’a pris ma gazeuse de défense, mon poing américain, un pistolet à gaz avec deux chargeurs et 23 recharges (ces armes peuvent être achetées légalement en République Tchèque, sans un permis de port d’arme). Maintenant ils me gardent en taule. Je maintiens que je suis encore armé et dangereux. Dangereux (pour la capitalisme) parce que, même derrière ces barreaux, je refuse de m’adapter aux conditions d’exploitation et j’encourage d’autres à se rebeller contre celles-ci. Je suis encore armé, grâce à ma volonté d’être solidaire. Jusqu’à présent, ils ne sont pas parvenus à me l’enlever et l’ont considéré comme quelque chose d’important pour les poursuites criminelles. La solidarité et l’esprit de révolte sont des armes que j’ai encore en moi et que je suis prêt à utiliser. Je l’ai déjà fait, je le fais et je continuerai à le faire.
Terrain de lutte
En tant qu’anarchiste, j’ai toujours été conscient de la possibilité d’être arrêté. Après tout, chaque régime supprime ses opposants de cette manière. Maintenant, je suis en détention préventive mais je ne considère pas cela comme la fin de mon parcours anarchiste. La prison est simplement une des nombreuses étapes qu’un révolutionnaire peut (mais ne doit pas nécessairement) traverser. Ce n’est pas la fin. Juste un changement de circonstances et du terrain où je lutterai à présent contre les oppresseurs. Ça me fait plaisir de pouvoir continuer à combattre au côté d’autres anarchistes. Avec ceux qui comprennent que la lutte collective est la seule issue pour sortir du marécage capitaliste.
Actions de solidarité
Tou.te.s ceux/celles qui sentent le besoin de me soutenir peuvent choisir leur façon et temporalité, selon leurs propres considérations. Je ne dirai à personne quoi faire, ni comment. Mais clairement je ne veux voir personne, sans mon consentement, renier des actions directes faites en solidarité à mon encontre. Si je ne suis pas d’accord avec une action, je le dirai moi-même, si je le considère important.
Un conseil pour ceux/celles qui ont des doutes sur quel type d’action serait la bienvenue : prenez des informations sur mon passé, pour comprendre quelle sont mes positions idéologiques. Si cela vous fait sens. De cette manière vous pourrez mettre de côté tout doute sur quel type d’action serait la bienvenue pour moi et quel type ne le serait pas. Pas de temps à perdre.
Aucune paix sociale avec ceux/celles qui nous oppriment et nous exploitent. La lutte continue !
Salutations anarchistes depuis la taule.
Votre frère, ami, compagnon Lukáš Borl
11.9.2016, Litoměřice 
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Répression dans la soi-disante République Tchèque

Anti Fenix (traduction reçue par mail) / avril 2018



Sur un mur de la prison de Prague. « La répression n’arrêtera pas le désir de liberté ! »

Les répressions et la surveillance policière dirigées contre les mouvements anti-autoritaires et subversifs ont toujours été présents. Ces dernières années, nous avons pu en faire l’expérience à une échelle jusqu’alors inconnue dans le contexte et l’histoire de la République Tchèque, avec coup monté, des accusations de terrorisme, large diabolisation médiatique, tentatives de diviser le mouvement, propagation de la paranoïa, emprisonnement et de longues et exténuantes audiences pénales. « L’Opération Fenix », le nom donné par la police à l’opération de provocation policière qui a eu lieu, a un rapport avec d’autres mesures répressives dans des contextes d’Europe et d’Amérique du Nord. Particulièrement parce que le status quo utilise la tactique de diviser pour mieux régner, au cœur même de ses sens et objectifs. Nous espérons que cette chronologie vous aidera à mieux comprendre notre expérience et à savoir à quoi vous attendre à l’endroit où vous vivez et où vous vous organisez.
28 avril 2015 : Les mesures répressives majeures ont débuté. Tôt le matin, la police perquisitionne plusieurs maisons, ainsi que le centre social Ateneo dans la ville de Most. Ils confisquent plusieurs outils informatiques, notamment un serveur qui hébergeait des pages web radicales et du matériel imprimé. Ils arrêtent 11 personnes et de nombreuses autres sont convoquées pour un interrogatoire. Les personnes furent obligées de donner leur ADN et leurs empruntes digitales, contre leur volonté. Trois anarchistes, Petr, Martin et Aleš sont placés en détention provisoire. La police garde le silence total sur les informations concernant l’affaire.
Mai 2015 : Petr, Martin, Aleš et Sasa (Sasa n’était pas placé en détention provisoire) sont accusés de conspiration en vue de la préparation d’une attaque terroriste sur un train transportant de l’équipement militaire. Deux autres anarchistes sont accusés d’être des co-conspirateurs, étant au courant du projet d’attaque, mais ne l’ayant dénoncé à la police. Malgré le silence sur l’affaire, les médias publient l’information fuitée selon laquelle l’objectif officiel de l’opération Fenix est de révéler et de se débarrasser du Réseau de Cellules Révolutionnaires, un groupe qui a incendié de nombreux véhicules de police, barrières de péage, ainsi que les véhicules d’un patron et propriétaire de restaurant qui ne payait pas les salaires.
Le collectif AntiFenix est fondé en tant que groupe de radicales-aux qui sentent qu’on ne peut pas rester calmes face à une telle répression. AntiFenix coopère de près avec l’Anarchist Black Cross, avec une attention particulière sur les événements autour de la répression immédiate de retour à la maison.
6 mai 2015 : Après trois ans d’existence, le squat Cibulka est expulsé. L’expulsion est une énorme et coûteuse opération policière, avec plus de 120 flics anti-émeute lourdement équipés.
L’information sur le coup monté est diffusée.
6 juin 2015 : Les médias sont remplies d’informations selon lesquelles une maison du ministre de la défense de République Tchèque a été attaquée avec plusieurs cocktails molotov. Il n’y a pas eu de feu, les pompiers n’ont pas été appelés et la femme du ministre a trouvé les bouteilles plus de 24 heures après « l’attaque » et a ensuite appelé la police. Les anarchistes se demandent si cette attaque visible et suspecte aura des conséquences et se tournera contre nous.
Juin 2015 : L’information sur le coup monté est diffusée. Le groupe accusé de conspiration était infiltré depuis 2014 déjà par deux agents provocateurs qui ont gagné leur confiance. Les agents enregistraient les réunions avec pour but de développer un plan afin de commettre des actions plus combatives, pour pouvoir commencer l’opération répressive contre le mouvement. En dépit de l’affirmation de la police, selon laquelle toute l’opération a détruit le Réseau de Cellules Révolutionnaires (un groupe insurrectionnel), les sabotages et incendies contre la police et les capitalistes continuent, et leur nombre augmente.
26 juin 2015 : Un autre anarchiste, le compagnon Igor S. est arrêté et reste en détention provisoire, accusé de l’attaque incendiaire contre la maison du ministre de la défense de République Tchèque. Aucune preuve n’est fournie, et cependant les conditions les plus strictes lui sont imposées.
9 août 2015 : Aleš, un des quatre anarchistes emprisonnés, sort de prison alors qu’il était en préventive. La police abandonne l’accusation d’attaque terroriste et l’accuse de port illégal d’armes [NdT : 310 000 personnes possèdent un permis de port d’arme en République Tchèque], accusation basée sur la perquisition de son domicile. Après plusieurs mois, Aleš est déclaré coupable et écope d’un contrôle judiciaire pour ce délit. Aleš ne fait pas appel de la décision de la Cour.
Fin d’été 2015 : Un autre anarchiste, Lukáš Borl, prend la décision de passer en clandestinité, à cause de la surveillance et du harcèlement policier envers lui et celles et ceux qu’il aime.
25 septembre 2015 : Igor est libéré sous caution de sa détention provisoire. Petr et Martin restent en prison.
Novembre 2015 : Petr est libéré de prison grâce aux manquements dans la procédure et au bon travail de son avocat.
Hiver 2015 : La police publie sur internet un profil de Lukáš Borl, comme étant « Recherché » et affirme qu’il est dangereux et armé. Nous considérons ce moment comme étant le début de Fenix 2.
5 avril 2016 : La police débarque dans l’appartement de nos compagnon-nes à Prague. La raison officielle est la recherche de Lukáš Borl. Le jour suivant, le 6 avril, les flics pénètrent dans un autre appartement à Brno, donnant la même raison pour réaliser la perquise.
26-27 avril 2016 : Les premières audiences au tribunal depuis le début de Fenix débutent. Pendant ce grand moment de théâtre judiciaire, l’affaire concernant Igor S. est close à cause du manque de preuves, ce qui est intéressant à la lumière de la décision de la Cour de première instance du sixième district de Prague, de changer la classification de l’acte et de l’accusation de terrorisme. Néanmoins, comme punition pour un graffiti solidaire sur un mur de prison, Igor écope de 2 années de déportation hors de République Tchèque – après que le proc’ a demandé une déportation et de 4 à 8 mois de prison. Igor fait immédiatement appel.
9 juin 2016 : Martin commence une grève de la faim pour protester contre sa détention, contre l’opération Fenix et les mauvaises conditions en prison, telles que l’isolement des activités sociales et sportives, et contre le non-respect de son régime vegan de la part de la cantine de la prison. Martin arrête la grève après 10 jours, en raiosn de la mauvaise santé de sa mère.
20 juillet 2016 : La Haute Cour change la punition de Igor. Il est toujours reconnu coupable d’avoir enregistré quelqu’un qui taguait les murs de la prison. Au lieu de la déportation, il est banni de tous les événements anarchistes publiques pour une durée de 3 ans. Utilisant cette punition comme un outil de contrôle, la police coopère avec le service de liberté surveillée et bannit Igor de tous les événements ou actions qu’elle considère comme anarchiste – des Food not bombs aux manifs, à n’importe quel événement publique annoncé dans un espace gauchiste ou anarchiste, aux concerts ou aux discussions ; pour faire sa liste mensuelle des événements dont il est interdit, la police utilise la page internet radar.squat.net.
Août 2016 : Début des seconde et troisième audiences des anarchistes accusés dans l’opération Fenix.
3 août 2016 : La police débarque à nouveau dans le même appartement à Brno, comme lors du 6 avril 2016, à la recherche de Lukáš Borl. Pareil que pour la fois précédente, ils n’avaient aucune autorisation officielle.
4 septembre 2016 : Lukáš Borl est arrêté à Most, ville où il réside après une année en clandestinité, et placé en détention préventive avec l’accusation de fonder, soutenir et faire la promotion d’un mouvement ayant pour objectif la suppression des droits et de la liberté humaines, de chantage, ainsi que d’attaques incendiaires.
27 septembre 2016 : Après 17 mois de détention préventive, Martin L. est relâché sur décision de la cour Constitutionnelle concernant l’illégalité de n’importe quel prolongement de son incarcération.
Automne, hiver 2016 : Auditions de l’affaire Fenix. De 1 à 5 anarchistes sont accusé-es d’une attaque terroriste contre le train.
13 avril 2017 : Lukáš Borl est libéré sous caution de détention préventive après 7 mois d’emprisonnement.
24 avril 2017 : Petr Blahuš, membre de la Cour, en est exclu pour non-objectivité. Il s’est avéré qu’il a travaillé pendant 13 ans avec la même unité de police, celle qui a en fait créé l’opération Fenix.
10 mai 2017 : Igor est totalement innocenté. Selon la Cour Suprême et la sixième administration de la ville de Prague, il n’a pas commis ne serait-ce que le moindre délit. Le Ministre de l'(in)justice s’excuse des actions illégales de la police et paye une compensation d’envergure d’environ 14,000 euros.
Juin 2017 : La police débarque avec de nouvelles accusations dans l’affaire Fenix 2, accusant 4 personnes supplémentaires, toutes et tous accusé-es de 16 crimes au total. La police fait un lien entre ces quatre personnes et Lukaš et les accuse « d’établir, de supporter et de diffuser un mouvement visant à la suppression des droits humains et de la liberté » pour avoir mis des communiqués en ligne ou pour avoir certaines brochures chez elles et eux.
22 septembre 2017 : Le tribunal de Prague innocente de toutes les accusations les anarchistes accusés par Fenix 1 (l’attaque contre le train). L’avocat d’État fait immédiatement appel. Toute l’affaire ira en Cour Suprême. Il y a toujours une possibilité de peine de prison, dont de la prison à vie pour deux personnes. Les médias ont changé de discours et sont généralement neutres quant aux accusés, ils écrivent sur les provocations policières.
27 mars 2018 : La Cour Suprême de Prague confirme l’acquittement de toutes et tous les accusé-es. Le plus probable, c’est que c’est la fin de la première partie de l’opération Fenix, mais pas de la répression en tant que telle. On reste attentif-ve-s..

FENIX EST-ELLE TERMINÉE ? QUE VA-T-IL ARRIVER ENSUITE ?
Igor est totalement innocenté, les anarchistes accusés par Fenix 1 ont totalement gagné le premier cas, vont-illes donc arrêter de nous appeler terroristes ? Eh bien, l’un de nos efforts est de faire une compréhension commune, que la manière dont nous labelle les institutions répressives ne pose pas vraiment de problème. Ce n’est pas vraiment notre tâche de nous battre contre les grands médias et de prouver que nous ne sommes pas des terroristes ou des extrémistes. On peut plutôt penser à comment se connecter avec des personnes autour de nous et continuer d’expliquer pourquoi un objectif de créer de vraies communautés basées sur l’entraide et la solidarité a toujours été et sera toujours en conflit avec l’État et ses institutions répressives.
Pour beaucoup d’entre nous, le verdict de la Cour est un soulagement. On peut respirer pour un moment, se voir pour dîner et voir nos ami-es dans un état d’esprit plus relaxé, hors des murs de la prison. Ces moments sont importants dans la vie et c’est chouette que l’on puisse en profiter. La Prison est une institution inutile, elle divise les relations, isole les gens et détruit des vies. C’est pourquoi le verdict, peut importe à quel point il soit plus plaisant que « coupable », n’est pas une victoire totale pour nous. Nous n’oublions pas ce que trois années d’investigations ont signifié. Aleš, Martin et Petr ont été emprisonnés pour 27 mois au total et Lukaš a passé un an en clandestinité et après ça 7 mois en prison. N’oublions pas Igor, aujourd’hui innocenté, qui fut cependant dans la plus dure des détentions provisoires pendant trois mois. Il doit toujours faire face à de difficiles restrictions et a du se signaler aux services de liberté surveillé pendant un an et demi. Par dessus le marché, il risque toujours une expulsion de République Tchèque à cause de son séjour en détention provisoire. Les familles, les ami-es et les personnes les plus proches des accusé-es et des emprisonnés tout autant que toutes celles et ceux directement affecté-e-s par l’affaire « Fenix » font face à un gros deal de pression émotionnelle et de séparation. Les perquisitions, les comportements menaçants, la surveillance, les expulsions. Pour résumer, il n’y a rien à fêter. Dans des affaires comme Fenix, il est nécessaire de comprendre ce dont il s’agit réellement. La police ne cherche pas essentiellement de longues peines de prison pour quelques anarchistes. Les unités de répression n’ont pas peur de nous tous-tes seuls-es. Ce qui les effraie c’est que de plus en plus de personnes peuvent en venir à s’identifier à nos idées, plus spécifiquement s’ils utilisent une plus large variété de tactiques. Les défenseurs du statu quo investissent beaucoup d’énergie et de ressources pour garder les gens dans la croyance que c’est la liberté dont ils et elles rêvent.
Nous avons appris une chose. Si nous voulons que nos actions et que notre façon de s’organiser soient vraiment efficaces et dangereuses pour les structures d’oppression qui nous gardent sous contrôle, cela doit venir de discussions collectives et de négociations (sic?) qui vont au delà des contours dans lesquels l’État s’assoit pour nous. Nous avons appris qu’il n’y a pas d’intérêt à se cacher face à la répression, il vaut mieux être prêt-e à lui faire face et créer les conditions qui rendront de telles opérations inefficaces.
Fenix n’est pas une opération visant quelques anarchistes naïf-ves, mais une attaque contre la subversion future dans sa totalité. Prenons soin des un-es les autres, pour être dangereux-euses ensemble.

LA SOLIDARITÉ EST NOTRE ARME
Dans cette chronologie nous nous sommes concentré-es sur des événements menés par l’État et ses institutions pour éclairer ce qu’on a traversé. Ça ne veut pas dire que nous devrions nous concentrer et agir en fonction de l’oppresseur. Une des plus grande tâches pour nous en tant qu’abolitionnistes est d’analyser les motifs de la répression partout dans le monde et de transformer notre organisation en une qui soit proactive plutôt que coincée dans la réaction constante. Nous n’avons pas mis les différentes événements et actions solidaires dans cette chronologie parce que les informations sur la répression se seraient presque dissoutes dans toutes les petites actions locales qui ont lieu partout dans le monde. Cependant, nous voulons toujours rester critiques. Au début, quand les choses ont mal tourné, il y eut une grande confusion, un manque de solidarité et une assez grande division au sein de la scène anti-autoritaire. Ce que nous avons trouvé de plus important, c’était d’assurer la solidarité avec les accusé-es et celles et ceux qui les entourent, et principalement de briser la peur et la paranoïa qui s’est rapidement diffusée au sein de la scène de gauche. Nous sentons surtout la nécessité de nous étendre comme un pont au dessus des espaces entre les différents groupes et les différentes approches, pour en venir à une compréhension qu’il nous faut rester uni-es au delà de nos différences quand il s’agit de répression. Nous pensons que créer une défense forte contre la répression ainsi qu’une base solide de solidarité passe par la compréhension de la répression et de ses objectifs, ainsi qu’en s’éduquant les un-es les autres au niveau local et international avec une attention portée sur l’amélioration de la culture de la sécurité.
En tant qu’Anarchist Black Cross/AntiFenix nous avons tenu plusieurs présentations et discussions sur différents sujets, publié plusieurs affiches, brochures et autocollants. Nous maintenons un contact avec les compagnon-nes persécuté-es et leur familles et les soutenons émotionnellement et matériellement par les collectes, des nuits d’écritures de lettre, du bruit ou d’autres manifestations etc…
Dès le début de Fenix, nous avons pu voir de nombreuses actions se tenir partot dans le monde. Des banderoles, des tags, des manifs, des actions aux ambassades tchèques jusqu’aux incendies de voitures de flics, aux banques enflammées ou la libération de visons et d’autres sabotages de fermes à fourrure. Les tactiques sont autant diverses que nous le sommes, et de nombreuses différentes actions et activités peuvent être connectées avec la solidarité et il est important d’agir en solidarité avec différentes luttes et parmi les un-es les autres.
[Traduit d’une affiche publiée en plusieurs langues, avril 2018.]

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